Bactéries résistantes dans le steak haché ? Il y en a 3 fois plus dans l’élevage intensif

La révélation toute récente par le magazine américain « Consumer Report », de l’omniprésence des bactéries E. Coli et entérocoques, marqueurs de contamination fécale dans les hamburgers, a capté toute l’attention en France et a fait sensation, oubliant de fait l’enseignement majeur de cette étude : elle montre en effet que le mode d’élevage et d’alimentation des vaches conditionne la qualité sanitaire de nos steaks hachés.

3 fois plus de bactéries résistantes dans l’élevage intensif

Cette étude établit la comparaison entre trois modes d’élevages de bovins et la qualité sanitaire des steaks hachés obtenus :

– Du haché obtenu à partir d’animaux d’élevage intensif nourri en parc d’engraissement, au maïs soja, avec un apport d’antibiotiques pour prévenir les maladies.

– Du haché issu d’animaux nourris sur un mode plus durable, plus respectueux de l’animal et sans antibiotique.

– Et enfin du haché, provenant d’animaux bio élevés à l’herbe et en plein air.

Les auteurs ont acheté 300 boîtes de steak haché soit plus de 200kg dans une centaine de magasins, dans 26 villes réparties à travers les USA, viandes qu’ils ont faites analyser.

Tous les échantillons de haché ont été analysés pour rechercher les bactéries pathogènes les plus communes. Toutes les bactéries détectées ont été testées pour connaître leur degré de résistance aux antibiotiques utilisés en médecine humaine.

Un des résultats significatifs de la recherche est qu’un cinquième de la viande de bœuf des élevages intensifs nourris de maïs soja contenait des bactéries résistantes à au moins trois classes d’antibiotiques. D’où le qualificatif de bactéries super résistantes qui rendent le traitement des infections causées très difficiles.

Constat saisissant : il y en a trois fois plus dans la viande intensive que dans la viande élevée à l’herbe.

 

Des bactéries qui contaminent ensuite les steaks

97% de la viande aux États-Unis provient d’animaux nourris au maïs soja en parc d’engraissement. En France, 80% de la viande provient de vaches de réforme et plus de la moitié, du troupeau laitier. Toutes sont nourries au régime ensilage de maïs et soja à l’exception de quelques labels et bio.

Le régime maïs soja très énergétique permet de raccourcir l’engraissement, c’est plus rapide que d’engraisser les animaux à l’herbe.

Seulement, le système digestif des vaches, qui sont des ruminants, n’est pas conçu pour digérer des aliments aussi riches en amidon que le mais. Ce régime crée un environnement acide favorable aux ulcères d’estomac et infections. La recherche a montré que cette alimentation contre-nature avait pour conséquence de faire excréter plus de bactéries coliformes aux vaches dans les bouses. Ces bactéries présentes dans les intestins et sur la peau des vaches, peuvent ensuite être transférées à la viande lors de l’abattage, notamment au dépeçage du cuir et lors de l’éviscération.

Même si la cuisson permet d’éliminer une grande partie de ces bactéries, le risque est plus élevé pour le haché, car certaines bactéries se retrouvent mélangées lors du broyage contaminant ainsi tout le steak.

Autre problème, le mélange, en production industrielle, d’un grand nombre d’animaux dans une même fabrication de steaks hachés, accroît le risque. Il suffit qu’un seul animal soit contaminé pour que tout le lot fabriqué le devienne. C’est la raison pour laquelle le législateur devrait contraindre l’industrie de la viande à réduire la taille des lots. L’idéal étant ce qui se fait en vente directe à la ferme, le lot est alors constitué d’un seul animal : c’est le risque minimal.

 

Des données transposables à la France

Tous les enseignements de l’enquête sont aussi valables en France. Ayant consacré des années de recherche sur l’impact du mode d’élevage et d’alimentation des bovins sur la qualité sanitaire de la viande, j’en avais déjà fait le constat et tiré la même analyse dans mon livre « Omerta sur la viande » en novembre 2014.

Nous pouvons élargir le propos à l’ensemble des viandes produites en intensif : l’élevage de porc et de volaille hors sol compris. En effet, l’enquête de l’UFC-Que Choisir du 10 mars 2014 rapportait une situation similaire très inquiétante pour la volaille. Sur une centaine d’échantillons analysés, un quart est contaminé par des bactéries dont 61% sont antibiorésistantes.

 

Le consommateur a le choix d’une meilleure viande

La bonne nouvelle, pour ne pas prendre de risque, est que le consommateur a le choix. Il peut préférer la viande de bœufs nourris à l’herbe ou volaille et porcs élevés en plein air. Quand les vaches ont une alimentation saine, basée sur le pâturage, c’est bon pour la vache, bon pour la santé de l’homme et c’est mieux pour la planète. Car les systèmes de production basés sur l’herbe sont efficaces pour réduire les gaz à effet de serre, les prairies captant le CO2 atmosphérique.

Les dirigeants du monde qui ont rendez-vous en décembre 2015 à la Cop 21 pour s’accorder sur la réduction nécessaire des gaz à effet de serre devraient en mesurer l’importance.

Voilà pourquoi le magazine américain conclut son étude en recommandant d’acheter chaque fois que c’est possible, du bœuf élevé selon une méthode durable, sans antibiotiques, le mieux étant le bœuf d’herbe nourri en bio.

 

Cet article a aussi été publié dans une tribune pour l’Obs.